À contre-courant de quoi ?
Du courant dominant vous l’avez compris.
Ce qui est sûr c’est que ce n’est jamais très confortable. C’est souvent fatigant, éreintant, exténuant, demandez aux saumons ! Il doit être beaucoup plus aisé de se laisser porter.
D’autant qu’être « à contre-courant » est souvent synonyme de prendre des risques.
Risque de la répression, de la censure ou d’un retrait de subvention… Quand on nous matraque -au sens propre comme au figuré- ce qu’il est de bon ton de penser. Est-ce que douter, questionner, ce n’est pas déjà être « à contre-courant » ?
Refuser l’unité nationale, dire « Guerre à la guerre » (en 1914 comme aujourd’hui), ne pas clamer à l’unisson « Je suis Charlie », ne pas entonner : « Qu’un sang impur abreuve nos silloooooooons ons ons ons » (malgré toute l’affection que l’on avait pour les victimes et la douleur ressentie face à de tels gâchis) ; c’est prendre le risque de l’opprobre, de la mise au pilori, de s’attirer des ennuis, des ennemis.
C’est pour cela que des soirées comme celle qui nous rassemble ce soir font du bien. On se rencontre, on se retrouve, on se rassure de n’être pas tout seul, on se conforte, on se ré-conforte.
Tel l’arroseur arrosé, il nous arrive parfois de nous retrouver à contre-courant d’un contre-courant. Vous allez dire : « Ah ah, moins par moins, ça fait plus, donc dans ce cas vous vous retrouvez dans le courant dominant ! »
évidemment non, pas forcément… Il y a des sujets sensibles sur lesquels notre classe se divise régulièrement. Au risque de paraître « old school », nous sommes plus Clara Zetkin que Suffragettes, et plus Black Panthers que Black Power*.
Être « à contre-courant » pour nous, ce n’est pas être « anti » à tout prix, mais plutôt garder un cap contre vents et marées, malgré les peurs et malgré les modes. C’est davantage la position de la vigie, tout en haut du bateau, qui essaie de voir loin dans le creux des vagues, dans la tempête ou le brouillard, que celle du saumon qui suit ses congénères et n’a pour horizon que e derrière de celui qui le précède.
Ce qui suit aussi doit être « old school » alors.
« Tant qu’un homme pourra mourir de faim à la porte d’un palais où tout regorge, il n’y aura rien de stable dans les institutions humaines » Eugène Varlin – 1871
*Clara Zetkin : socialiste allemande, notamment à l’origine de la Journée Internationale de Lutte des Femmes.
Black Panthers : voir l’interview de Huey Newton, l’un des fondateurs, sur anti-k.org et les documentaires en ce moment sur Arte.tv.
