14-19 [L’actualité de l’époque] – Karl et Rosa : destins liés

Rosa Luxemburg

Fondatrice des Partis Socialistes de Pologne et de Lituanie, elle émigre pour poursuivre ses études et s’installe à Berlin.

Rosa Luxembourg est l’une des penseuses de l’Internationale au même titre que Jaurès en France ou Lénine en Russie. Elle s’emploie à comprendre les causes du conflit et à y apporter une issue politique.

Dirigeante de la gauche du SPD, le grand parti social-démocrate allemand, elle s’oppose en 1914 au vote des crédits de guerre.

Jugée pour incitation à la désobéissance, elle est emprisonnée en février 1915. Cela l’empêche d’assister à la Conférence de l’Internationale Socialiste des Femmes de Berne en mars, au Congrès International des Femmes de La Haye (où 1136 déléguées représentent 12 pays) en avril-mai et à la Conférence de Zimmerwald en septembre… Mais en prison, elle écrit.

La guerre entre les nations est venue opposer à la lutte des classes le combat fratricide du prolétariat. Massacre d’une ampleur sans précédent. De ces millions de morts, neufs sur dix sont ouvriers et paysans. Une guerre inédite, industrielle, déclenchée au nom du nationalisme mais menée pour la domination des marchés, elle ouvre en réalité la voie à la mondialisation du capital, à la conversion de toute richesse et moyen de production en marchandise et action boursière, à celle de lettres en matériel humain. C’est l’avenir d’un socialisme humaniste que cette guerre est en train de détruire.
Lettres de prison, 1916-1918

Elle est libérée au début de l’année 1916. Mais après quelques mois de liberté seulement, lorsque Karl est arrêté, elle s’insurge contre les autorités et la passivité des directions des partis et est, elle aussi, de nouveau condamnée pour trahison et emprisonnée.

Photo Anna Trotzky

Nous assistons à l’effondrement du vieux monde qui croule par pans entiers, jour après jour. Ce qui est le plus surprenant, c’est que la plupart des gens ne s’en aperçoivent pas et croient marcher encore sur un sol ferme.
Lettres de prison, 1916-1918

Clouez-le sur la croix ! crient les petits-bourgeois, les officiers, les antisémites, les laquais de la presse bourgeoise qui tremblent pour les bifteaks que leur vaut la domination de classe de la bourgeoisie.
Clouez-le sur la croix ! s’écrient les Scheidemann qui, tel Judas Iscariote, ont vendu les ouvriers à la bourgeoisie Clouez-le sur la croix ! répètent encore, comme un écho, des couches de la classe ouvrière qu’on trompe et qu’on abuse, des soldats qui ne savent pas qu’ils s’en prennent à leur propre chair et à leur propre sang quand ils s’en prennent à la Ligue spartakiste.
Extrait de Que Veut la Ligue Spartakiste ? publié pour la première fois dans le journal spartakiste Die rote Fahne, en date du 14 décembre 1918, ce texte deviendra le programme du Parti Communiste d’Allemagne.

À visiter :

comprendre-avec-rosa-luxemburg.over-blog.com

Karl Liebknecht

Fils de l’un des fondateurs du SPD qui a côtoyé Marx et Engels. Emprisonné une première fois pour ses écrits anti-militaristes en 1907, il est élu député de Potsdam au Reichstag en 1912 pour le SPD. En août 1914, opposé au vote des crédits de guerre, il s’incline au nom de la discipline de parti. Convaincu de son erreur, il refusera de les voter en décembre et sera alors menacé d’exclusion de son parti et envoyé au front en mars 1915.

Arrêté le 1er mai 1916, alors que des milliers de manifestants envahissent les rues de Berlin aux cris de « pain, paix, liberté », Liebknecht défie la loi martiale et improvise un discours contre la guerre.  Il est condamné à « 4 ans de privation de liberté, avec exclusion de l’armée et à 6 ans de privation de ses droits sociaux ». À l’annonce de la sentence, 55000 ouvriers de la métallurgie se mettent en grève pour protester.

Si se déclarer contre la guerre constitue un crime de haute trahison, alors c’est un honneur que d’être aujourd’hui traître en Allemagne.

Ensemble

Profondément internationalistes, ils ne cessent de lutter contre la guerre, arguant que :

La lutte des classes et le travail commun avec le prolétariat international restent notre but.

et dénonçant « la trêve nationale » allemande et  « l’union nationale » française :

À bas l’hypocrisie de la « trêve nationale » (Burgfriede) ! Vive la lutte de classe internationale pour la libération et contre la guerre !

Ce qui leur vaudra de multiples arrestations… Et que des rumeurs (prémonitoires) de leur assassina par le pouvoir circulent dès le début de la guerre !

Le harcèlement du pouvoir à leur encontre et le laissez-faire de la plupart des personnalités de leur propre parti ne les empêcheront pas de persévérer et de fonder en 1915 le groupe Spartacus au sein du SPD avec Franz Mehring. (lire leur programme)

le 1er novembre, libérés de prison par les révolutionnaires, ils prennent la tête des conseils d’ouvriers et de soldats de Berlin.

Dans la nuit du 31 décembre 1918 au 1er janvier 1919, la Ligue Spartakiste, qui s’est séparée peu avant de l’USPD, se réunit avec d’autres groupes  : les révolutionnaires se constituent en Parti Communiste d’Allemagne (KPD), qui entend boycotter les élections et faire de l’Allemagne une « République des conseils ».

Photo Daniel Aime

Dans les premiers jours de janvier 1919, le limogeage du préfet de police de Berlin Emil Eichhorn, membre de l’aile gauche de l’USPD, et très populaire à Berlin, provoque une manifestation massive de l’USPD et du KPD. Des manifestants en arme occupent les locaux de plusieurs journaux, et le bruit court que des régiments berlinois et des garnisons extérieures se sont soulevées. L’information est fausse mais elle plonge Karl Liebknecht dans un état d’euphorie révolutionnaire ; il appelle à l’insurrection pour maintenir l’occupation des journaux, inciter les ouvriers berlinois à la grève et faire tomber le gouvernement. Malgré les protestations de plusieurs membres du comité central du KPD et notamment Rosa Luxemburg qui juge l’action dangereuse, l’option de Liebknecht est approuvée, déclenchant la «Révolte Spartakiste». L’insurrection, lancée sans plan précis, échoue totalement ; Gustav Noske, un dirigeant du SPD, reçoit les pleins pouvoirs du Président Ebert pour guider la répression, et s’appuie pour cela sur les Corps Francs. Liebknecht et Rosa Luxemburg sont tous deux arrêtés, puis assassinés par des militaires le 15 janvier 1919.

Lénine prononça ce discours du haut du balcon du Soviet de Moscou le 19 janvier :

Aujourd’hui, à Berlin, la bourgeoisie et les social-traîtres exultent : ils ont réussi à assassiner Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Ebert et Scheidemann qui, au cours de quatre années, ont mené les ouvriers au carnage au nom des intérêts des forbans, ont assumé aujourd’hui le rôle de bourreaux des chefs prolétariens. L’exemple de la révolution allemande nous persuade que la « démocratie » n’est que le paravent du pillage bourgeois et de la violence la plus féroce.
Mort aux bourreaux !

L’ordre ayant été rétabli en Allemagne, la Conférence de Paix de Paris qui prépare le Traité de Versailles peut avoir lieu trois jours après : le 18…

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