28/01/2018 – L’Humanité – Justice. Avec sa relaxe, Loïc Canitrot met le Medef K.-O.

Source L’Humanité – 28 janvier 2018 – Kareen Janselm

Le procès a démonté une enquête à charge mal ficelée et la crédibilité du chef de la sécurité de l’organisation patronale.

«Je suis relaxé », déclarait jeudi dans un sourire Loïc Canitrot au sortir du tribunal correctionnel, sous le parapluie tenu par l’un de ses témoins de moralité, Arlette Laguiller, militante de toujours de Lutte ouvrière. Après un an et demi de procédure à la suite de l’intrusion d’une centaine d’intermittents au siège du Medef en juin 2016 pour faire appliquer un accord de branche, justice a enfin été rendue. « C’est la première chose que je vais annoncer cette après-midi au Medef, s’est exclamé Denis Gravouil, négociateur CGT sur l’assurance chômage et deuxième témoin de moralité de Loïc. La violence vient du Medef, et nous risquons de revenir… »

La décision de cette relaxe était perceptible dès le début du procès avec le retrait de la plainte de la présumée victime de coup de poing, le chef de la sécurité du Medef. « C’est beaucoup de bruit pour rien , remarquait dès le début de l’audience le président de la cour, regrettant l’absence de ce plaignant à la barre. C’eût été bon, j’aurai voulu le réentendre suite à ces déclarations. » Tout au long du procès, le juge Dominique Blanc a relevé les incohérences de l’accusation, du témoin à charge, qui a fini par se rétracter, l’étonnant manque de vidéos provenant du Medef, lesquelles auraient pu confirmer l’agression, imprudemment effacées ou relevant d’un angle mort… A contrario, les images données par la défense évoquaient une ambiance tranquille, bien éloignée de l’« atmosphère de lynchage » évoquée par Philippe Salmon. Le monsieur sécurité accusateur, qui a changé sa version des faits en cours d’instruction avant de ne plus reconnaître formellement son présumé agresseur, a argué tour à tour de sa « peur d’un risque terroriste » et de sa « crainte pour le personnel féminin du Medef » suite à l’intrusion des militants intermittents. « J’ai vu les photos, vous n’étiez pas habillé en terroriste ce jour-là »,a remarqué ironiquement le président à l’adresse de l’accusé. Plus tard, lisant les procès verbaux de policiers obtenus grâce à un supplément d’informations obtenu par l’avocate de la défense, le juge s’interrogera sur une scène décrite comme violente par l’employé du Medef alors qu’un jeune homme sirote tranquillement un café aux côtés de la victime… tout sourire quelques secondes après l’agression présumée.

Le parquet, lui-même, a fini par requérir la relaxe. Mais pour la défense, rappeler le contexte politique de cette affaire était nécessaire après 48 heures de garde à vue imposée au militant de la CGT spectacle dans un dossier vide. « Loïc n’est pas seulement pacifique, mais un militant politique, cultivé, logique », a soutenu l’économiste et philosophe Frédéric Lordon, troisième témoin de moralité. « Il est de bonne logique de porter la parole contestataire au maître d’œuvre. Or l’empreinte du Medef est partout dans la politique économique et sociale, dans les emplois ministériels depuis plus de quinze ans. Il était logique de déterminer le Medef destinataire de cette action(…) même si le Medef veut une paternité sous X pour ne pas endosser sa responsabilité ».
Dans sa plaidoirie, maître Irène Terrel a fustigé un parquet « au parti pris d’emblée favorable au Medef », rappelant « son parcours du combattant dans une toute petite affaire ». Face à une première « enquête carrencée », et si le supplément d’information n’avait pas été obtenu à une première audience, « malgré l’opposition du parquet », « l’erreur judiciaire était certaine ». L’avocate a rappelé « la garde à vue prolongée sans aucune justification suivie d’un déferrement » de son client et demande aujourd’hui réparation. Constituée partie civile, l’avocate a déposé plainte contre M. Salmon pour « dénonciations calomnieuses » et « violences » à l’encontre de Loïc Canitrot.

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